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Madagascar (2): trek en pays Zafimaniry

de Patrick

Dans les villages Zafimaniry

 

L’art Zafimaniry du travail du bois

Ambositra – Antoetra, départ du trek en pays Zafimaniry – Sakaïdo

Au lever, c’est gris, mais il ne pleut pas. En attendant Mika, je prends quelques scènes de rue devant l’hôtel, les pousse-pousse sont déjà à fond… Nous voilà partis pour 12km sur la RN7 jusqu’à Ivato, puis 25 km de piste jusqu’à Antoetra que l’on prononce «Anteutcht’». Nous faisons une petite pause à Ivato où Fetra nous montre un étal de jouets locaux: Zafimaniry jouetcharrette à bœuf faite à base de canettes, dînette malgache avec des boîtes de conserve et malheureusement, juste à côté, des jouets tape à l’œil made in China.

lemurienÀ la sortie du village, nous voyons un premier lémurien Fulvus Rufus au pelage brun, celui-ci est domestiqué. Le long de la piste, nous croisons de nombreux villageois, d’aucuns à la fabrication des briques, d’autres à la recherche d’or portant leur tamis sur la tête, et une bonne partie se rendant au marché hebdomadaire du mercredi. Le long de cette piste, de minuscules échoppes permettent aux villageois, faisant parfois de longues distances pour se rendre au marché, de se restaurer, mais aussi de boire le fameux «toaka gasy», le rhum local extrait de la canne à sucre, causant des ravages lorsqu’il est consommé à outrance.

A l’arrivée au village d’Antoetra, nous sommes entourés par des jeunes qui veulent tous être nos guides ou nous vendre quelque chose. Serge, notre guide local nous propose un petit tour du marché. Les villageois les plus fortunés sont venus en voiture et on retrouve les 4L, les 504, … toutes les anciennes voitures françaises qui ont une seconde vie à Madagascar.

marché ZafimaniryLe marché est haut en couleur, on y trouve de tout… cela nous permet quelques photos sympas. De nombreuses fillettes portent un petit sur leur dos pendant que les mamans vendent sur le marché. Nos porteurs au nombre de 10 se répartissent les sacs et la logistique pour 3 jours de trek dans le beau pays des Zafimaniry. Cette ethnie est réputée pour son travail du bois sculpté et plus particulièrement les chaises en palissandre au dossier incliné perpendiculaire à l’assise, un modèle de confort.  L’art Zafimaniry est exporté dans le monde entier, inscrit en 2008 au patrimoine culturel immatériel de l’humanité.

Accompagnés par Serge et Mathieu, jeune stagiaire de l’agence, nous commençons notre trek par une piste, puis un chemin dans les herbes hautes, et  au vu de l’heure avancée, nous trouvons rapidement un endroit agréable pour pique-niquer. Une légère montée est propice à la digestion et nous arrivons à un col où les missionnaires catholiques ont érigé une haute croix. En principe, il y a une belle vue! On veut bien y croire, car nous sommes dans le brouillard… Le paysage est vallonné et plusieurs hectares ont été replantés en arbres traditionnels grâce à des donateurs (un panneau indique un don de viticulteurs proche d’Angers). Zafimaniry trekEn effet, la majeure partie de la forêt a disparu avec la pratique ancestrale du «tavy» ou culture sur brûlis.

Les sentiers du pays Zafimaniry sont parsemés de pierres dressées en hommage aux ancêtres: les tsangambato. Après une courte pause, nous attaquons une descente assez raide sur des dalles de granit détrempées où des marches ont été taillées dans la roche. Il faut être très vigilant, car cela glisse. Mais cela ne gêne nullement les nombreux villageois revenant du marché, qui nous doublent en papotant, paniers ou sacs sur la tête, la plupart pieds nus…

Zafimaniry villageVers 15h, nous arrivons au beau village Zafimaniry de Sakaïdo, toujours sous la brume. Les Zafimaniry, «descendants de ceux qui désirent» ne se disent ni Betsileo (bien qu’étant un sous-groupe de cette ethnie), ni Tanala. Ils restent attachés à leurs traditions et vivent en symbiose avec la nature. Leurs villages disséminés dans la forêt occupent un territoire de 70km2. Les maisons Zafimaniry sont serrées entre elles, les murs construits avec le bois de la forêt et les toits faits de couches de bambou. Les maisons sont assemblées sans le moindre clou,art Zafimaniry et l’on reconnaît l’art Zafimaniry aux portes et aux volets finement sculptés.

Les dessins géométriques sont hautement symboliques et montre l’individu au sein de son groupe social: les toiles d’araignée (tanamparoratra) désignent les liens familiaux, les losanges représentent les alvéoles de la ruche (papintantely) et symbolisent la vie communautaire tandis que l’égalité est symbolisée par le soleil. Les Zafimaniry vivent sous l’autorité des anciens qui enseignent la solidarité et l’union.

Nous aurons la chance d’entrer dans la maison du chef de village. Il a 74 ans. Il nous souhaite la bienvenue et nous remercie d’avoir fait tout ce chemin pour venir chez lui, cela l’honore. Il nous explique que, comme dans la plupart des maisons traditionnelles malgaches, la pièce unique est orientée suivant les directions sacrées.

maison ZafimaniryA l’ouest se trouve la porte d’entrée afin de conserver la chaleur et la lumière de l’après-midi. La partie nord-est est réservée aux aïeux, les ustensiles de cuisine sont dans la partie sud-est, le coin sud-ouest est gardé pour la volaille et enfin, le coin nord-ouest est réservé aux outils. Le pilier central «Andry» est entièrement gravé et symbolise le foyer. Une grande sérénité règne dans cette maison. Nous remercions le chef et sa famille et allons prendre le thé dans une maison louée qui nous servira pour les repas.

Ensuite, Serge nous accompagne à nos tentes plantées dans la cour de l’école, en haut du village. Il bruine toujours, le sol est très gras et nous sommes contraints de garder nos grosses chaussures. À 18h, retour à la maison pour déguster un cocktail planteur. Nous levons nos verres et prononçons (après quelques répétitions) «Itoundrafahasalaamana» ce qui signifie «santé» en malgache! Un groupe d’adolescents nous improvise un spectacle musical avec des instruments traditionnels, dont un tambour fait dans un bambou et des cymbales, et nous invite à danser. Spaghettis bolo et bananes flambées constituent notre repas. Enfin il pleut toujours quand nous retournons aux tentes vers 21h30…

 

De village en village

2ème journée de trek en pays Zafamaniry: Sakaïdo – Faliarivo – Ankidodo

bois ZafimaniryIl a plu toute la nuit et il bruine encore au lever… Au moment du départ, le soleil tente une percée plus que timide. Un villageois vient nous montrer quelques couteaux de cuisine de sa fabrication. Serge propose d’aller chez lui pour voir les objets que les villageois fabriquent et vendent. Tout est étalé dans l’unique pièce: petites chaises Zafimaniry, salières, dessous-de-plat, couteaux, coupe-papier, boîtes… chacun repart avec un objet. Vers 10h, nous sommes prêts à partir. Nous descendons dans les rizières, c’est magnifique, quel dommage qu’il y ait ce crachin. bois zafimaniryPuis, nous remontons sur la colline sainte de Vohimasina avant de descendre en forêt.

On rencontre un villageois, debout sur un tronc en train de le fendre pour en faire des planches ou un madrier. Il travaille nu-pieds avec une grande dextérité. Le terrain est vallonné jusqu’au petit village de Fanandrana où le soleil semble vouloir percer. Nous sommes invités dans une maison où sont étalés différents objets en bois. ZafimaniryL’homme fabrique une salière/poivrière, ses pieds servant d’étau. Le maïs sèche au plafond.

De nombreux villageois sortent nous saluer. Les femmes sont fières de montrer l’enfant qu’elles portent dans les bras et sont heureuses d’être photographiées. Sous le soleil, nous repartons et cela change tout au niveau des couleurs. Des rondins de bois ont été mis bout à bout afin de traverser un marécage sans se mouiller les pieds. La pluie nous rattrape et nous ne nous attardons pas. Par un faux plat malgache, nous arrivons au village de Faliarivo. C’est un village à l’écart, très peu visité par les Vazahas. Nous sommes donc l’attraction! Ils sont tous aux fenêtres, puis sortent en criant «Salam, Salame, Salamo,…». Nous traversons le village, accompagnés par les enfants. Ils nous suivent un long moment et nous les distinguons à peine dans la brume. Le sentier se poursuit en crête sur un terrain accidenté et gras; le nuage se dissipe quelque peu faisant apparaître des rizières en contrebas et de belles falaises. Nous croisons des villageois chargés de fagots sur la tête,  l’un transporte carrément un madrier sur l’épaule.

village ZafimaniryNous arrivons vers 16h30 au village d’Ankidodo après avoir monté 800m et descendu 650. Après le thé citronnelle, nous visitons le village avec Serge et allons à la rencontre du chef, âgé de 52 ans seulement. En fait il succède à son père qui est mort récemment. Il nous souhaite la bienvenue dans son village et nous demande de bien vouloir remplir le livre d’or. Il n’y a eu que 14 visites depuis le début de l’année, dont une grande majorité de Français. D’après ce qui est écrit, le temps semble bien capricieux en pays Zafimaniry. Nous rejoignons ensuite notre campement à l’entrée du village, qui se situe comme hier dans la cour de l’école. À 18h, nous nous retrouvons pour l’apéro et le repas que nous allons prendre dans la maison louée par l’instituteur pour les groupes.

On discute de la langue malgache, et pour plaisanter Fetra nous traduit « joyeux anniversaire ». Cela donne « arahabaina tratry ny fitsingerinan’ny taona nahaterahanao ianao » !!! Il faut un certain temps pour dire les choses en malgache! Le repas se compose d’un plat typique de Madagascar à base de poulet, riz rouge avec une sauce aux brèdes (légumes du type épinard), puis banane au chocolat en papillotes, miam miam… Quand on remonte au camp, cela bruine un peu moins. Serge nous assure qu’il fera grand beau demain, on en doute tous.

 

Adieux aux Zafimaniry, et retour à la RN7!

Ankidodo – fin du trek à Antoetra

école ZafimaniryIl n’a pas plu de la nuit, nous sommes toujours dans le brouillard, mais cela semble clair en dessous. L’espoir renaît! Après le p’tit déjeuner, je vois tous les villageois, adultes et enfants se diriger vers notre campement, là où il y a l’école. Un monsieur m’explique comme il peut que ce sont les remises de diplômes et les passages en classe supérieure pour les enfants du primaire. Je demande à Serge si l’on peut y assister. Il ne semble pas décidé, mais finit par accepter. Nous remontons à l’école. Tous les enfants sont dehors tandis que les parents sont à l’intérieur de la classe avec l’instituteur. Quand les enfants nous voient, ils sont très excités et font les zouaves devant la caméra et les appareils photo. Olivier donne des stylos à l’instituteur. Quand c’est le moment de repartir, la soixantaine d’enfants nous acclament et quand nous descendons le chemin en contrebas de l’école, ils se placent en ligne au-dessus de nous tandis que nous crions «Veloum, veloumo,…». La brume se dissipe mora mora pour laisser place au soleil. Serge avait donc bien raison!

tombe zafimaniryCela fait du bien de voir enfin le paysage. Il n’y a plus de village jusqu’à ce que nous rejoignions Antoetra qui marque la fin de notre premier trek en pays Zafimaniry. Peu avant d’arriver au village, nous nous arrêtons sur la stèle familiale de Serge. Il y a une pierre levée par ancêtre dont la taille est fonction de l’âge du défunt. Les corps sont dans un tombeau au niveau du village. Il nous parle de la fête du retournement des morts qui peut regrouper jusqu’à 700 invités. Lors de cette fête, les corps sont sortis des tombeaux et transportés sur des brancards vers le village.

Cette fête a lieu pendant la saison sèche tous les 2, 5 ou 10 ans en fonction des moyens de la famille. De nombreux zébus sont sacrifiés et les morceaux de viande sont répartis entre les invités: la chair pour les amis proches (cela resserre les liens), la poitrine pour les gendres, la bosse pour les plus âgés. Nous arrivons au village vers 12h et là, nous retrouvons nos « guides amateurs » qui veulent à tout prix nous vendre des articles en bois. Chacun achète une petite boîte pour être tranquille.

ruche ZafimaniryUne fois le chargement effectué, nous saluons Serge et les porteurs et nous reprenons la piste par laquelle nous sommes arrivés jusqu’à Ivato, où nous retrouvons  la RN7. Nous avons 130km environ à parcourir sur cette route ce qui nous prendra 4h… Au début, tout va bien, mais très vite ce ne sont pas des « nids de poule », mais des « nids de zébu » qui se succèdent et font baisser la moyenne! Heureusement, le paysage est superbe: terre rouge, rizières et beaux villages Betsileo aux maisons hautes et très étroites, faites de torchis ou de briques rouges, avec de petites ouvertures orientées plein ouest. Lors des traversées de villages, les habitants, souvent avec de jeunes enfants, sont sur le pas de petites échoppes. On peut y trouver fruits et légumes, céréales, bois et charbon …

Ce n’est que vers 18h30 que nous arrivons à Fianarantsoa, Fianar pour les locaux, la capitale de l’ethnie Betsileo. Fetra nous laisse à l’hôtel Cotsoyannis et va passer la soirée à la maison avec sa femme qui doit accoucher d’ici une quinzaine de jours. Après une bonne douche, nous descendons au restaurant. Cela fait drôle de se retrouver en ville avec de nombreux Vazahas alors que depuis 3 jours, nous n’avons rencontré qu’un couple d’ethnologues dans les villages Zafimanry. Au menu, un planteur suivi d’un velouté de carotte coco curry, un magret de canard sauce vanille, puis des tranches d’ananas flambé. Un régal. Au coucher, nous avons enfin un beau ciel étoilé.

Le voyage en un coup d'oeil

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